Interview d’Alice Doumic_Girard
Le nom d’Alice Doumic est étroitement associé pour moi, de longue date, à ceux de Robert Debré, son maître, immense figure humaine, pionnier de la pédiatrie, esprit toujours curieux de découvrir et de préparer l’avenir, que j’ai eu la grande chance de connaître de 1970 jusqu’à sa disparition en 1978, et de Pierre Mâle, clinicien hors-pair de l’adolescence qui a grandement contribué à mon intérêt pour ce groupe d’âge, ayant pu, comme externe, assister à quelques-unes de ses consultations à Sainte-Anne.
Avec le premier, après qu’il a eu guidé ses premiers pas en médecine, elle a souvent travaillé et s’est penchée sur les troubles du sommeil du tout-petit, cherchant la clé de ces dysfonctionnements précoces dans l’articulation du psychique et du somatique. Avec le second, psychothérapeute d’adolescents, elle conforta son expérience du bébé, préfigurant les échanges ultérieurs que nous connaissons à présent comme particulièrement fructueux entre professionnels de ces âges dans lesquels les changements physiologiques sont largement décalés par rapport au niveau de maturation psycho-affective.
Nonagénaire, avec une vivacité d’esprit intacte, elle a d’emblée accepté la proposition d’une interview permettant de témoigner de la construction d’un parcours et d’un intérêt professionnel au service des bébés, comme pédiatre autant que comme psychanalyste. Elle nous a reçus chez elle, Sylvain Missonnier (que je remercie chaleureusement d’avoir accepté de participer à cette aventure) et moi-même, là où de nombreux bébés – et de nombreux parents ! – lui durent un sommeil plus paisible. Grande clinicienne du tout-petit, dotée d’une empathie particulière à l’égard des bébés, elle nous permet de mesurer les étapes parcourues dans la prise en charge de cet âge, mais aussi la constance irremplaçable d’une attention à l’autre et de capacités d’identification suffisantes pour une pratique exigeante que l’avalanche de protocoles, de codifications et de contraintes technocratiques rend d’autant plus précieuses.
Patrice Huerre