La psychanalyse est vouée à l’exploration du monde intérieur ; elle vise au démasquage des illusions et des faux-semblants dont s’habillent les réalités déplaisantes, en dénonçant avant tout les mensonges qu’on se fait à soi-même. À l’écart de toute soumission à un pouvoir transcendant, elle aspire au libre arbitre et à la responsabilité individuelle des pensées et des actes. Sous tous ces aspects, il paraît évident que la psychanalyse est une fleur précieuse –mais mortelle- de la démocratie. Ce n’est certes pas sans raisons que sous des régimes socio-politiques autoritaires elle apparaît étrangère, subversive, dangereuse, et bien souvent interdite.
Or, en ce siècle de tumultes et de bouillonnements, de gigantesques mouvements de convexion brassent les hommes, leurs façons d’être et de faire, leurs règles de conduite et leurs lois, leurs histoires et leurs destins, leurs croyances, leurs désirs et leurs angoisses. Ces mouvements affectent notre monde, celui des pays "dévellopés". Il s’y s’affirme des valeurs essentielles : la liberté de penser et d’agir, avec ses conséquences, la tolérance, la solidarité, l’entraide et si nécessaire l'empathie, mais aussi la responsabilité individuelle, le refus de se démettre et se soumettre par facilité, le devoir d’agir pour de bonnes causes... Bref, ce monde vit sur un idéal démocratique, rudement secoué certes, mais vivant. Mais il est cerné par d’autres mondes, où l’on se fait au contraire gloire d’être soumis à des autorités transcendantes, celle d’un pouvoir politique absolu, et celle dont cela procède, l’autorité suprême d’un être créateur tout puissant, un Dieu plus volontiers guerrier que pacifique…
En notre monde et sur ses frontières, parfois si brouillées qu’on ne saurait dire où l’on est, se produisent des turbulences d’une extrême violence. Les comportements individuels, les rapports interpersonnels, les règles du bon usage, les structures sociales, les institutions, les règlements et les lois, etc., tout cela change et résiste au changement, de sorte que coexistent en permanence et s’affrontent en un bouillonnement incessant ce qui valait avant, ce qui vaut maintenant, ce qui vaudra peut-être demain.
Comment situer la psychanalyse en tout ceci ?
La revue Psyché se propose de considérer les relations envisageables entre transformations sociales et psychanalyse : dans quelle mesure celle-ci a-t-elle marqué les changements sociaux (en particulier via des changements individuels), et peut-elle peser aujourd’hui ? Demain, aura-t-elle un impact ? En retour, en quoi les pratiques de la psychanalyse, et peut-être la théorisation de ces pratiques, ont-elles pu porter la marque de ces changements eux-mêmes?
Pourquoi « Psyché » ? Parce que tout cela, qu’il s’agisse des individus, des institutions ou des sociétés, procède des désirs, des interdits, des espoirs, des peurs, des angoisses qui animent l’humanité, mais aussi de l’obstination de l’homme à faire perdurer le passé et à créer l’avenir. Ce qui origine le tourbillon des conflits qui emportent individus et sociétés, ce sont bien les mouvements du psychisme.
Roger Perron & Sylvain Missonnier
La revue Psyché, dirigée par Roger Perron et Sylvain Missonnier, est éditée aux Éditions de l'Herne.
Le premier numéro, Les métamorphoses de la parentalité, est dirigé par Sylvain Missonnier et sera en librairie à partir du 12 avril 2017.
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