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AUTISME - PACKING : SOUTIEN PIERRE DELION

Suppression de la circulaire interdisant le packing (Mai 2016)


Pour aller plus loin dans le débat : le site du CIPPA



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Lettre ouverte aux parents d'enfants, d'adolescents et d'adultes autistes, à leurs professionnels éducateurs, pédagogues et soignants par P. DELION, avril 2009

Depuis plusieurs années, quelques rares parents d’enfants autistes règnent dans le monde des associations de parents d’enfants autistes par la terreur, les dénonciations, les calomnies ad hominem et la manipulation médiatique. Jusqu’à présent, nous étions un certain nombre de professionnels de la pédopsychiatrie à y voir le signe d’une souffrance telle qu’en vivent tous les parents dont un enfant est touché par une maladie, un handicap ou une difficulté majeure qui met en jeu son présent et son avenir. Entre-temps, les pratiques et les prises en charge éducatives, pédagogiques et thérapeutiques ont progressé quelquefois de manière notable, notamment en ce qui concerne les neurosciences, mais aussi les techniques éducatives et les psychothérapies intensives. Aujourd’hui, les équipes de pédopsychiatrie françaises se forment activement pour se situer dans cette perspective intégrative, réorganisent leurs dispositifs pour y accueillir les aspects complémentaires nécessaires pour la prise en charge de chaque enfant et engagent des réflexions cliniques, psychopathologiques et thérapeutiques en tenant compte des avancées des neurosciences, notamment dans la pratique des bilans diagnostiques, mais aussi dans l’élaboration d’hypothèses intégrant les différents aspects complémentaires.

Nous arrivons ainsi à ce que d’aucuns appellent une « pédopsychiatrie intégrative » qui conjugue sous l’égide des parents, un développement des aides éducatives pour tous les enfants qui en ont besoin, une approche pédagogique à chaque fois que c’est possible et un soutien thérapeutique quand c’est nécessaire. Cette approche plurielle nécessite de se concerter avec les partenaires autour de l’enfant de façon à lui apporter au plus près de ses besoins définis lors du bilan, du diagnostic et des indications de prises en charge, les différentes aides nécessaires. Dans ces perspectives intégratives, le rôle de l’équipe de pédopsychiatrie est de proposer les soins dont chaque enfant a besoin en fonction de son histoire pathologique, de ses symptômes actuels et  d’autres éléments qui sont déterminés par les ressources existant autour de l’enfant et de sa famille. C’est ainsi que certains enfants présentant des symptômes très préoccupants tels que les très graves automutilations, une violence mettant en péril la vie familiale, la poursuite de leurs soins et de leur intégration scolaire et finalement leur développement, peuvent recevoir des soins spécifiques tels que le packing ou enveloppements humides, ou une approche avec la pataugeoire, ou tout autre média qui peut faciliter l’instauration du lien avec l’enfant atteint de TED, et qui constituent autant de moyens utilisés par les équipes soignantes et souvent éducatives pour rentrer en contact avec ces enfants. Dans le grand ensemble de ces approches, le packing est une technique de soin qui appartient au groupe des techniques d’enveloppement requises pour rassembler le corps d’un enfant qui manque de contenance du fait de sa pathologie. Elle consiste à envelopper doucement un enfant qui garde ses sous vêtements, dans des serviettes trempées dans l’eau à la température du robinet (autour de dix degrés) jusqu’au cou, puis dans un drap sec, puis dans un tissu imperméable qui permettra un réchauffement rapide et dans deux couvertures chaudes. L’enveloppement dure environ une minute et en quelques minutes (deux à cinq), le corps de l’enfant se réchauffe soudainement produisant chez lui une détente musculaire importante, le surgissement de sourires et éventuellement de sons (et de paroles quand il a accès au langage) et d’échanges par le regard. La séance dure entre quarante cinq et soixante minutes et se termine par le « désenveloppement » de l’enfant, son rhabillage et le partage d’une collation avec les soignants qui sont restés avec lui pendant la séance. En fonction de la pathologie de l’enfant, l’équipe peut lui prodiguer plusieurs séances par semaine quand l’effectif des soignants le permet. Ces traitements peuvent durer plusieurs semaines ou mois en fonction de l’évolution clinique.

Dans tous les cas, les parents donnent leur accord à cette prise en charge pour laquelle ils sont informés loyalement des effets attendus.

Nous voyons désormais un grand nombre de professionnels participant à des équipes d’établissements du médicosocial venir nous demander d’apprendre la technique pour en faire bénéficier les enfants et les adolescents qu’ils accueillent. Quand c’est possible, la prise en charge par packing commence en milieu hospitalier et se poursuit dans l’établissement médicosocial avec des réunions de supervision communes aux équipes thérapeutiques et médicosociales dans le cadre d’une pratique de psychiatrie de secteur. La pratique de cette technique permet de ne pas utiliser les médicaments psychotropes de façon excessive et facilite la restauration des échanges entre l’enfant et ceux qui le prennent en charge, et donc avec ses parents et sa fratrie.
Les reproches qui sont faits aux praticiens du packing au sujet du fait qu’ils ne demandent pas leur avis aux enfants ne sont pas recevables puisque dans les cas de la plupart de ces enfants, leur avis ne serait pas suffisant du fait de l’importance de leur retard de langage voire de leur déficience co-morbide, ce qui vaut pour tous les soins qui sont indiqués pour les enfants en question, et que ce sont les parents qui doivent donner un accord éclairé pour les soins proposés à leur enfant. Dans certains cas d’enfants qui parlent, nous leur présentons la technique et demandons aux parents d’en parler avec eux de leur côté. Et il n’est pas rare de voir un enfant sans langage nous prendre par la main lors des jours qui suivent les premières séances pour nous conduire dans la salle dans laquelle son enveloppement est réalisé. Ces reproches montrent à quel point un malentendu existe puisque nous ne parlons manifestement pas des mêmes enfants autistes : les uns ont un pronostic relativement favorable et peuvent bénéficier pleinement des approches éducatives si les parents le souhaitent, tandis que d’autres ont absolument besoin d’approches thérapeutiques du fait de la gravité de leur tableau clinique. Les praticiens sont dans l’obligation de tenir compte de tous les cas et ne peuvent s’en tenir à généraliser à partir d’un seul exemple. Et les parents le comprennent habituellement sans difficulté.

Enfin, cette technique fait l’objet de l’expérience de très nombreuses équipes, et depuis plus de dix ans, des demandes ont été faites pour obtenir la possibilité d’en évaluer les effets thérapeutiques en référence aux critères habituellement reconnus en médecine et en psychiatrie sous la forme de dossiers de Programme Hospitalier de Recherche Clinique. Après plusieurs demandes déposées auprès des commissions ad hoc, un Programme Hospitalier de Recherche Clinique National a été obtenu en 2007, suivi d’un avis favorable du Comité de Protection des Personnes du CHRU de Lille ( à l’unanimité et à bulletin secret) fin 2008. Nous venons donc de rassembler tous les éléments qui nous permettent de lancer cette recherche pour démontrer les effets de cette méthode et en évaluer l’efficacité. Je rappelle qu’une telle évaluation ne peut être entreprise que si la technique est réalisée en fonction de critères éthiques admis par la communauté scientifique médicale. Ce qui est le cas pour notre recherche.

Nous voici donc dans la position paradoxale d’avoir enfin réuni les éléments permettant d’évaluer clairement et rigoureusement ce que l’expérience nous montre depuis longtemps. Et c’est précisément à ce moment-là que des voix s’élèvent pour demander un arrêt de ces pratiques, sans avoir pris la précaution de se renseigner suffisamment sur elles ni auprès de ceux qui la proposent. Et loin de le faire dans un esprit consistant à s’informer à partir des expériences de ceux qui en expriment le besoin, à savoir des professionnels posant les indications de soins par packing pour les raisons déjà évoquées, mais aussi plus fréquemment que ces détracteurs ne veulent le reconnaître, par des parents qui y trouvent une réponse aux symptômes épouvantables que sont, entre autres, les automutilations graves.

Je crois pour ma part que cet aveuglement manifesté par les calomniateurs tient à plusieurs raisons : premièrement, au fait qu’ils ont été blessés par des praticiens s’inspirant de la psychanalyse et souhaitent que tout ce qui s’en inspire soit banni à jamais, oubliant que si des psychanalystes ont sans doute commis des erreurs en ce qui concerne la prise en charge de l’autisme, la psychanalyse a eu un rôle prévalent dans la construction d’un savoir psychopathologique aux effets considérables sur les processus civilisateurs contemporains. Pour ce qui est de l’autisme, de nombreux praticiens formés aujourd’hui à la psychothérapie des enfants présentant des TED  peuvent apporter un témoignage de leur travail dans ce domaine et plusieurs d’entre eux participent à une évaluation de leurs prises en charge.

Le deuxième faisceau d’arguments se trouve dans le fait que les calomniateurs ne connaissent sans doute pas assez les cas les plus graves d’autisme, aboutissant trop souvent à des symptômes difficilement imaginables par la violence que ces personnes autistes produisent soit sur eux-mêmes soit sur autrui. Je pense d’ailleurs à ce sujet que les méthodes prônées de façon univoque ne peuvent pas répondre en général à toutes les formes d’autisme et qu’il y a bon nombre de malentendus qui résultent de cette méconnaissance.  La méthode ABA pourra répondre à certains types d’autisme tandis que d’autres méthodes ou techniques pourront répondre à d’autres types. Il en va de même pour la plupart des symptômes. Ce qui nous conduit à penser des prises en charge multiples et complémentaires réfléchies avec les parents en fonction de chaque cas. Et d’ailleurs, les praticiens du packing ne proposent en aucun cas d’étendre la technique à tous les enfants autistes, juste à ceux qui en ont besoin. Troisièmement, il apparaît que lorsqu’une technique est efficace pour certains patients, je suis toujours surpris que des parents, dont ce n’est sommes toutes pas le métier, puissent s’arroger le droit d’empêcher d’autres parents d’en bénéficier pour leur enfant, les soumettant ainsi à une tyrannie qui se fait passer pour la vérité, y compris en utilisant la science comme caution, quand elle n’est que l’expression d’une intolérance vertigineuse et peut-être la couverture d’une publicité commerciale, voire sectaire, pour la méthode encensée. Et d’ailleurs, n’ayant pas les arguments pertinents pour leur plaidoyer, ils manipulent les médias pour faire pression sur l’opinion de façon à obtenir par la rue ce que les procédures classiques ne peuvent leur donner.

Les autres approches proposées dans les lieux de soins des équipes de pédopsychiatrie française, c'est-à-dire les hôpitaux de jour qu’il est devenu habituel de critiquer sans vergogne, sont également menacées par ces nouveaux contempteurs de la psychiatrie : ne nous faisons aucune illusion, leur haine tenace a l’ensemble des équipes de pédopsychiatrie dans le collimateur, et sitôt le packing interdit, ce sont les autres soins qui seront les victimes suivantes. Car à quelque chose près, il s’agit de la même pensée clivante et simplificatrice qui consiste à utiliser la calomnie quand on est à court d’arguments recevables. Jusqu’à présent, j’avais supporté avec une indulgence trop bienveillante ces procédés dignes de régimes totalitaires de sinistre mémoire, mais aujourd’hui, la limite est franchie, il n’est pas possible de continuer à accepter de quelques parents qui ont dépassé la norme du fonctionnement démocratique, les pratiques qu’ils utilisent pour occire leurs opposants sur le modèle inquisitorial.

Je demande à tous les parents qui bénéficient pour leurs enfants de prises en charge dans les secteurs de pédopsychiatrie de France de nous aider à aider leurs enfants dans la poursuite de la mise en œuvre de telles prises en charge avec tous les partenaires nécessaires, étant entendu que ces équipes qui les accueillent sont dans un processus de formation à l’intégration des différents aspects complémentaires : l’éducatif, la pédagogie et les soins psychiques.

Je demande à tous les professionnels des équipes de pédopsychiatrie française de se ressaisir, et de ne pas continuer à accepter les calomnies dont nous sommes aujourd’hui pratiquement tous victimes de façon scandaleuse et injustifiée, et de développer avec les parents des enfants qu’ils accueillent dans le cadre d’une politique de secteur bien comprise, des actions qui visent à montrer que les agresseurs ne sont pas les seuls à pouvoir parler de l’autisme de façon autorisée, et notamment de ce qu’ils ne connaissent pas personnellement et que leurs calomnies montre de façon éclatante ; j’en profite pour dire qu’il ne suffit pas de lire des informations sur internet pour devenir compétent de ce seul fait.  Si je répugne à demander aux parents de nous aider, je crois qu’aujourd’hui, après avoir observé en silence les dégâts réalisés par notre attitude antérieure de neutralité bienveillante, il n’est plus possible de laisser se répandre de telles manifestations de haine sans que cela ait des conséquences sur le travail que nous menons.

Je demande aux scientifiques de faire l’effort conceptuel d’avancer sur les chemins des neurosciences autant que faire se peut, mais sans réduire les pratiques admises aux seuls résultats validés. Par définition, avant d’être validés toutes les hypothèses doivent pouvoir être envisagées, posées, travaillées, sans courir le risque d’être disqualifiées pour des raisons idéologiques, si les conditions éthiques dans lesquelles ces soins se délivrent font l’objet d’un consensus accepté par les instances concernées. Je ne parle pas là des caricatures toujours faciles à faire pour dénigrer celui qu’on veut déstabiliser.

Je demande aux politiques de ne pas tomber dans la posture démagogique qui consisterait à tenir compte de ceux qui font le plus de bruits sans tenir compte des différents points de vue concernés. Bien au contraire, nous avons vu que c’est de la mobilisation des parents d’enfants autistes qu’est venue la possibilité de faire remonter auprès  des décideurs les manques insondables en matière de prises en charge sur tout le territoire national. Ils doivent tenir compte de l’ensemble de la problématique présentée, et aussi prendre en considération les avis exprimés par les professionnels et leurs représentants. C’est de cette articulation fondamentale que leur rôle pourra produire les meilleurs effets de déblocage des crispations insupportables auxquelles nous sommes arrivés.

Je demande aux administrations nationales, régionales et locales de nous aider à mettre autour de la table de discussion, quitte à se faire aider d’un médiateur, tous les partenaires qui gravitent autour de la question de l’autisme pour que le dialogue qui est le seul ressort sur lequel nous pourrons avancer puisse devenir le scénario le plus fréquent.

Je demande aux médias dont le rôle de quatrième pouvoir se vérifie de plus en plus, de continuer à tenir bon sur leur rôle qui consiste à informer le citoyen de la façon la plus objective possible en donnant la parole aux différentes parties en présence, et de ne pas tomber dans une utilisation pervertie de leur outil, qui accentuerait, déformerait et conflictualiserait les souffrances des uns contre les autres dans une visée médiamétrique aux effets ravageurs sur les personnes directement concernées, alors que cet outil recèle des possibilités pédagogiques énormes quand il est justement utilisé. La psychiatrie est aujourd’hui un bouc émissaire trop facile à désigner. Les professionnels qui y travaillent font dans la plupart des cas tout ce qui est dans leurs capacités pour rester humains dans la relation qu’ils instaurent avec les patients qui leur sont confiés. A trop leur faire porter l’ensemble des malheurs qui touchent la population des personnes autistes, on risque d’aboutir à un « burn out » généralisé qui aurait des conséquences désastreuses en matière de psychiatrie, et in fine, sur le plan sociétal. Les médias peuvent nous aider puissamment à un véritable débat démocratique.

Je demande enfin à tous les citoyens de ce pays de ne pas oublier que nous sommes des corps et des esprits humains, dont les deux aspects sont inséparables. Une maladie, même d’origine génétique ou neurologique, connaît toujours des développements qui englobent le psychisme du malade, et contribuer à une meilleure santé nécessite d’associer des approches physiques et psychiques pour y parvenir. Les soins psychiques proposés par les équipes de psychiatrie de secteur aujourd’hui ont pour objectif d’aider à cette démarche dans un climat pacifié. Toute polémique haineuse ne peut qu’en minimiser les effets bénéfiques attendus.

Pr Pierre Delion, avril 2009

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